Personne n'est invincible

Il déambulait dans les couloirs dans ses habits de velours, la tête haute, la main posée sur son épée. Un sentiment du devoir accompli l’habitait. Il sortait d’une réunion avec son cousin le roi. Ils avaient longuement discuté de la politique à adopter mais ils avaient également pris le temps de parler entre cousins, retrouvant leur complicité d’antan. Il avait pu donner son avis comme il aimait pouvoir le faire. Il n’avait pas demandé sa place auprès du roi, il avait voulu tout faire par soi-même et ne pas profiter de ses liens du sang. Maintenant qu’il avait fait ses preuves, il trouvait du plaisir à prendre part à la vie de l’empire. Il se sentait utile dans ce rôle complémentaire avec son métier de chevalier. Il poussa la porte d’une des nombreuses pièces du château. Il y trouva un salon dans lequel un feu brûlait. Une jeune femme était penchée au-dessus, occupée à attiser les flammes. Ahmir se tint derrière elle le temps qu’un sourire apparaisse sur son visage. Il reconnaitrait ce dos et ces cheveux cascadant sur ses épaules entre mille. Il les avait assez vus quand il lui enseignait quelques leçons d’histoire et de mathématiques. Il lui avait appris la lecture et les bonnes manières. Il s’était trouvé fasciné par cette jeune femme, enchaînée à la reine. Elle n’avait eu accès qu’à peu de choses jusque-là. En la rencontrant, il lui avait ouvert les portes du monde. C’était à l’époque où Nymphea était encore une bonne amie. Aujourd’hui, tout avait changé et sa relation avec Elvira aussi.

Ahmir n’avait presque plus le droit d’approcher la jeune esclave. La reine ne leur laissait pas l’opportunité de le faire. Malgré la détérioration de son amitié avec Nymphea, Ahmir était resté attaché à Elvira. Ils étaient amis et elle pouvait être certaine qu’il la soutiendrait dans n’importe quelle situation. « Dame Elvira, quel bonheur de vous voir. » Elle était bien plus qu’une esclave. Si Nymphea lui avait donnée sa liberté, Elvira aurait aussi sa place dans la haute société. Elle était devenue une femme cultivée et intelligente. Bien plus intelligente que nombreuses femmes de la cour, d’ailleurs. Alors il la nommait comme il la considérait. Tant pis si cela devait déplaire aux commères. La jeune femme se retourna, presque surprise qu’ils puissent être dans la même pièce. C’était une chose devenue rare depuis quelque temps. « Sa Majesté la reine vous a laissé sans surveillance ? » Son sourire transpirait la moquerie. Nymphea était d’une méfiance sans nom. Ahmir voulait découvrir les secrets de la reine mais pas en utilisant Elvira. Elle était la seule personne qu’il ne souhaitait pas manipuler. Nymphea aurait dû le savoir. « Elle est bonne avec moi, Sir. Vous le savez également. » « Si c’est ce que vous pensez. » Il accompagna sa réponse par un haussement d’épaules. Il ne connaissait pas la réelle relation qui liait l'esclave à sa maitresse. Il mettrait sa main à couper que Nymphea faisait subir des violences à Elvira, ce serait son genre. Ils avaient été amis à l’arrivée de la reine. Ahmir lui avait fait confiance, il l’avait apprécié comme une amie. Elle avait épousé Barahir, devenant ainsi reine et modifiant son comportement.

Le chevalier n’insista pas. Elvira était ainsi : gentille et douce. Elle ne voyait que le meilleur chez les autres. Il souhaitait éviter le conflit et laisser Elvira croire que Nymphea était une bonne personne. Son amitié avec elle était ce qu’il y avait de plus précieux dans sa vie. Une amitié pure et non gâchée par des manipulations. Ahmir se plaça à côté d’elle, auprès de la cheminée. « Avez-vous eu le temps de lire l’ouvrage que je vous ai donné ? » Il était curieux de savoir ce qu’elle avait pensé du livre. Sa propre mère lui avait transmis la passion des livres et il voulait la donner à Elvira alors il lui conseillait des ouvrages qu’il trouvait intéressant ou dont on lui avait vanté les mérites. Ahmir avait tendance à se focaliser sur des thèmes plus diplomatique et stratégique qui ne plaisait pas toujours à Elvira, ce qu’il comprenait. « Oui, il était… » La porte s’ouvrit derrière eux, coupant Elvira et faisant disparaitre son sourire de son visage. Ahmir se tourna à demi pour découvrir la personne qui entrait. Il sentit immédiatement son amie se raidir. « Ma reine. » Ils s’inclinèrent à l’entrée de la reine. Cela aurait été trop beau. Il ne pouvait pas parler plus d’une minute avec Elvira sans que Nymphea n’interrompt leur conversation. C’était dans ces moments qu’Ahmir était le plus enclin à croire en les rumeurs de sorcellerie. Comment pourrait-il en être autrement ?

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.