(je n'ai rien fais avancer et ce n'est que du blabla, mais j'ai un problème avec les débuts.. Pardonne moi, darling. )

« Je dormirai avec toi cette nuit. » « Ce sera un plaisir, mon roi. » Barahir n'avait pas daigné relever la tête des parchemins qui trônaient en bonne place sur la table. Cela faisait un bon moment que l'affection toute particulière que lui octroyait autrefois le roi avait cédé à une sorte d'inattention blessante, cette manière de l'utiliser tel un pantin de bois avant de la laisser seule et dénudée dans son grand lit froid. Seule n'avait pas changé cette manie de la vouloir pour lui seul, de ne jamais la partager avec autrui, d'en faire son unique propriété, sa chose, son jouet. Toutefois, elle n'en soufflait mot et ravalait sa fierté blessée, de peur de perdre ce poste si prestigieux qui était devenu le sien par simple hasard. Combien de chances avait-elle d'être repéré à une cérémonie pompeuse comme le roi en présidait des centaines ? Combien de chances avait-elle de le séduire du premier coup d’œil, de l'emprisonner dans ses filets doux et séduisants ? Bien peu. Pourtant, elle y était parvenue, au détriment des autres courtisanes qui n'éprouvaient plus pour elle qu'une haine dévastatrice poussée par une jalousie mordante. Elles n'avaient, au mieux, le privilège que d'une nuit avec le souverain des Thoron. Satine partageait sa couche depuis plusieurs années désormais. Là résidait leur grande différence. Satine quitta le bureau du roi, la tête basse, après l'avoir salué froidement.

Nul bruit n'animait les couloirs du château, alors qu'elle les foulait de ses pieds. Le monde semblait avoir déserté la cour, ce qui n'était pas de bonne augure pour la suite des événements. Satine avait vaguement entendu le roi parler des problèmes autrefois enterrés qui avaient refais surface sur le continent, des inconvénients pouvant mener à une guerre sans le moindre doute interminable. Chaque contrée retrouvait un souffle nouveau, un désir de reconquérir une supériorité bafouée, ou de mener à terme une Vendetta sanglante. La meilleure des excuses quant à l'indifférence du roi. Ce dernier devait sans doute avoir l'esprit ailleurs, la tête à chercher des solutions diplomatiques, ou plutôt à trouver le moyen de conquérir tous les autres royaumes. Voilà qui ressemblait bien plus à la fougue irraisonnée du souverain des Thoron. Son grand frère aurait sans nul doute été un roi bien meilleur et plus légendaire. C'était de notoriété publique.  Alors qu'Elijah hantait de nouveau ses pensées, comme il le faisait déjà une grande partie de son temps, elle se laissa aller à quelques souvenirs d'un passé toujours étincelant. Un jeu de regard et de séduction affectueux, une rengaine amoureuse passionnée, un refus obstiné. Elijah n'était pas d'un naturel à se laisser abattre, et il avait persévéré, jusqu'à ce que Satine ne puisse plus faire taire les voix qui résonnaient dans son esprit embrumé, celles qui l'enjoignaient à céder aux caprices d'un amour naissant ou d'un amour d'un jour. Le roi ne méritait pas sa loyauté et sa fidélité, cela ne faisait aucun doute, mais la peur rationnelle de perdre sa place et sa tête, accessoirement, la freinait dans son élan. Et puis Elijah l'avait définitivement convaincu. Un baiser avait scellé cette union, un baiser emprisonné contre un pilier du château, la peur d'être surprise remplacée par la chaleur de cette bouche contre la sienne, de ce corps si près du sien, de ce souffle fredonnant comme une douce mélodie en se mêlant au sien. Cela n'avait plus fais aucun doute, après cet interlude hors du temps, et elle n'avait plus jamais pu faire taire cette voix amoureuse, faisant passer la peur au tout dernier plan de ses préoccupations.

Satine laissa échapper un soupir, alors qu'elle se rapprochait lentement de la chambre qu'elle avait acquise au château. Cela faisait un petit moment qu'Elijah était parti pour remplir une mission ordonnée par le souverain, son frère, et elle se languissait de le revoir, de pouvoir embrasser à nouveau son visage, de passer une main douce dans ses cheveux de soie. Elle ignorait quand il rentrerait. Elle ignorait même s'il rentrerait. Depuis plusieurs semaines, la peur avait repris le dessus, mais une peur bien différente. Non celle de perdre sa place, mais celle de perdre son amour.
Un bruit de pas résonnant dans le château la força à revenir à la dure réalité. Elle appréhendait déjà l'arrivée de ce mystérieux inconnu, terrifiée à la simple idée qu'il puisse s'agir de la reine. Cette vieille folle prétentieuse qui s'était prise de haine pour la jeune maîtresse, jalouse de l'attention que lui octroyait le roi, terrifiée à la simple idée qu'une autre puisse la remplacer. Une dingue bonne à faire mettre au cachot, voilà tout ce qu'elle était, elle et son regard glacial, elle et son attitude hautaine et froide, elle et son sceptre de glace. Pourtant, l'allure altière qui parvenait de l'autre côté du couloir n'avait pas de longue chevelure noire échevelée, mais de beaux cheveux bruns coupés court. Il n'avait pas de poitrine avenante mais un torse bien fais d'homme de terrain. Il ne la haïssait pas, mais il l'aimait du plus profond de son cœur. Elijah. Satine aurait voulu courir à sa rencontre, hurler son bonheur, le serrer dans ses bras et l'embrasser jusqu'à ce qu'il ne puisse plus respirer et qu'il la repousse tendrement. Elle n'en fit pourtant rien, accélérant imperceptiblement le pas pour le rejoindre plus vite encore. Elle aimait tant cet homme que les battements de son cœur couvraient la force de ses pensées. Le bonheur de le revoir n'avait nul commune mesure.

Arrivée à sa hauteur, elle se contenta d'une petite révérence comme son rang l'y obligeait, d'un sourire lumineux d'où on pouvait lire tout le bonheur qui, soudainement, l'étreignait de ses bras forts et tendres à la fois, puis elle prit enfin la parole, brisant le silence des longs corridors. « Bon jour, mon prince. Je suis rassurée de vous savoir en bonne santé pour votre retour au château. Comment vous portez-vous ? » Sobre, simple, ridicule jeu de respectueuses salutations entre un prince et une courtisane. Ce n'était pas cette scène qui hantait ses rêves. Et là, d'un coup, elle se vit haïr le roi pour sa présence dans sa chambre cette nuit, présence qui interdirait des retrouvailles bien méritées.

(Je suis désolée, c'est sans doute un peu décousu. On n'a pas arrêté de me couper dans la rédaction, et puis... C'est le premier post ! (a) J'espère que ça te plaira ! Dans le cas contraire, n'hésite pas à me le dire ! Le tiens était top !)

Obéir à son souverain surpassait toute autre relation, dès lors qu'on faisait le serment de servir son royaume. C'était leur père qui leur avait inculqué cela ; planifiant déjà leur avenir, lorsqu'ils seraient à sa place et que le si fougueux Barahir serait à l'écoute de son aîné et répondrait à la moindre de ses requêtes. Du moins, c'était le scénario qu'avait envisagé le roi Cijan, voyant en sa descendance une alliance fraternelle pour affronter leur héritage, ce statut de roi si délicat. Et ce duo aurait été une véritable force pour reconquérir ces terres qu'il avait toujours jugées siennes. Mais les choses s'étaient déroulées autrement, si bien qu'Elijah n'avait jamais posé son royal postérieur sur ce trône. Ce siège représentait tellement de responsabilités, de principes et de valeurs qu'il ne cautionnait pas, qu'il avait préféré se retirer. Bien sûr, il aurait pu être un meilleur souverain que son père et se tourner vers un avenir plus beau, dans le respect et la prospérité d'un peuple heureux. Évidemment que le changement aurait pu être possible à sa prise de pouvoir. Néanmoins, ce dernier faisait peur, tout comme l'idée de ne pas être à la hauteur avait pu hanter le jeune prince. Suite au décès de Cijan, combien de fois s'était-il réveillé en sursaut, à la limite des sueurs froides, car il avait fait un cauchemar ? Elijah n'avait même pas pris la peine de les compter tant elles étaient nombreuses, jusqu'à ce qu'il tire sa révérence au sein de cette cours politique et gouvernementale. De ce fait, les rôles avaient été inversé et c'était à l'aîné de soutenir le roi. Il lui obéissait, ou du moins lui en donnait l'illusion.

A peine arrivé à Lugan, par pure diplomatie, Elijah avait été chargé d'accomplir une mission. En effet, du temps de son voyage jusqu'à la citée, un messager avait parcouru le chemin inverse pour transmettre une lettre importante au roi, semblable à un message de détresse. Un village, aux pieds des montagnes lunaires, avait reçu la douloureuse visite d'une bête. Nul n'avait été capable de la décrire, si bien qu'ils avaient été comme contraint d'envoyer des hommes pour régler cette affaire et rétablir le calme dans les contrées de Thoron. Et qui d'autre qu'Elijah, à plus de la moitié du chemin, pouvait s'en occuper ? C'était faire ici une pierre deux coups, en présentant le prince au peuple. Barahir savait qu'Elijah ne pouvait pas lui refuser, par élan de protection envers le peuple de Thoron, au-delà même de sa loyauté à son égard. Et il avait raison. Rapidement, le prince avait demandé à ce qu'on lui porte de quoi affronter les températures du nord. Des vêtements chauds, des peaux de bêtes, des cuirs... Aujourd'hui, il ne les regrettait nullement ! Et en revenant tout juste de cette mission, il savourait avec grand plaisir un simple filet d'air sur sa peau, alors que les rayons du soleil baignaient son visage d'une douce chaleur. Même les soirées semblaient être lourdes à la capitale. Le temps d'un bain lui permit de délasser ses membres endoloris par cette longue chevauchées et le froid de son court séjour en ces terres. Pour quel résultat ? Un triste tableau, reste d'un massacre. Mais aucune bête. Pas l'ombre d'un animal, sans doute parti se réfugier dans les sommets, ou bien même sous terre. Néanmoins, sa présence avait eu l'effet escompté, rassurant le peuple. Le prince Elijah en personne s'était déplacé avec ses hommes : de quoi apaiser les esprits échauffés par le roi et ses principes.

Celui d'Elijah n'était pas encore totalement serein. En effet, pas un instant il n'avait cessé de penser à sa belle. La simple idée de la revoir lui avait insuffler la force nécessaire pour presser le pas, cherchant toujours à aller plus vite. Jusqu'à laisser penser à ses hommes que quelque chose lui avait donné des ailes. Mais quoi ? L'amour ? Officiellement, le cœur d'Elijah était encore à prendre. Et le serait probablement à jamais, puisqu'à 36 ans, il n'était pas encore marié. Homme à femmes, on soupçonnait qu'il ait eu une ou deux maîtresses qui patientaient sagement dans son lit. Lui, savait ce qui l'animait ; et rien n'était plus fort que la flamme qui brûlait au creux de sa poitrine. Il se consumait littéralement pour elle, cette femme. Nulle autre ne pouvait lui faire de l'ombre, aux vues des sentiments sincères qu'il lui portait. Et ce soir, arpentant les couloirs comme un vulgaire gardien, il espérait l'y croiser. Il imaginait déjà un baiser volé au détour d'une allée, tout comme le premier qu'ils avaient échangé. Et lorsqu'il aperçu cette fine silhouette, il ne lui fallut que quelques secondes pour la reconnaître. Il fit son possible pour dissimuler un sourire trop franc pour être indifférent, et une fois à sa hauteur la salua comme il l'aurait fait avec n'importe quelle autre courtisane. Or, elle n'était pas comme toutes les autres. A la voir, se tenant devant lui, radieuse, il n'avait qu'une envie : dérober ces lèvres rosées. « Comme un charme, je vous en remercie. » -répliqua-t-il avec un sourire en coin. « Vous êtes ravissante, la pénombre préserverait même mes yeux de vos charmes, Demoiselle Telemnar. » Il aurait voulu l'appeler Satine, l'embrasser avec fougue et passion pour lui prouver par ses actes qu'elle lui avait manqué. Il aurait aimé la serrer tout contre lui et lui murmurer à l'oreille que les nuits sans elle avaient été trop longues... Loin de ce douter que ce soir encore, il en serait privé.

De nombreuses années. Satine avait cessé de compter. Elle ignorait depuis combien de temps elle partageait la couche du roi, combien de nuits il l'avait rejointe, sans bruit, dans l'obscurité terrifiante qui l'enveloppait toute entière. Combien de fois il avait caressé et parcouru son corps, sans qu'elle ne refuse, sans qu'elle ne demande, sans qu'elle ne fasse rien d'autre que de servir son souverain. Cette relation ne la comblait pas de bonheur mais ne l'attristait pas davantage. Barahir était un homme bon et appréciable, à défaut d'être un bon roi pour son peuple, emprunt de rationalité et de fougue mesurée. Il avait de nombreuses qualités que Satine avait fini par découvrir, au fil du temps. Elle n'était pas qu'une maîtresse parmi d'autre qui ne sortait que rarement de l'anonymat de ses quatre murs de marbre. Elle était parfois invitée à partager la table du roi, souvent à se rendre aux grandes fêtes organisées dans le château, comme un trophée de chasse qu'il affichait au monde entier. Aurait-elle du en être flattée ? Aurait-elle du s'estimer satisfaite qu'il ne la partage pas avec ses hôtes de marque ? Sans doute. Elle aurait du finir par éprouver de l'affection et du respect pour lui. Oui, c'était plus ou moins le cas. Ça l'aurait été entièrement s'il ne lui avait pas interdit de fréquenter d'autres hommes. Il avait, sans le savoir, rendu sa relation avec Elijah des plus problématiques.

Mais là, à cet instant précis, Satine n'y pensait plus vraiment. Elle n'avait en tête que le bonheur de revoir cet homme si important à ses yeux, celui qui s'était immiscé dans son cœur à force de persévérance et de gentillesse, de séduction et de tendresse. La jeune femme n'avait jamais rencontré d'homme tel qu'Elijah. A force de lectures diverses et variées, Satine avait bien entendu lu d'innombrables histoires d'amours magnifiques, de paillettes dans un monde d'oursons et de feux d'artifices devant les yeux, mais leur relation n'avait rien à voir avec toutes ces sornettes de jeune fille rêvant de robes longues et de mariages princiers. Elle s'inscrivait dans la réalité, simplement protégée de la dureté du monde par ce voile de mystère. Un secret lourd à porter, un bonheur que Satine aurait tant aimé partager... Avant de se rendre compte que le seul qui aurait mérité sa confession se trouvait là, devant elle, et qu'il connaissait déjà la merveilleuse réalité. Ils s'aimaient. Éperdument. Cela ne faisait aucun doute, et la jeune femme ne cessait de se demander, curieuse, comment nul n'avait pu cerner leur secret si maladroitement caché. Les regards séducteurs offerts d'un bout à l'autre d'une table de réception, les baisers volés au détour d'un couloir, les cris d'une nuit endiablée dans une chambre ou dans l'autre. Elle risquait sa vie, sa place, sa tête, mais chaque jour lui rappelait intensément à quel point elle ne regrettait pas ce choix.

Elijah ne tarda pas à prendre la parole. Sa voix résonna dans les couloirs déserts, une voix bien connue, une voix qui fit naître de délicats frissons sur la nuque de Satine. Oh comme elle aimait ces douces paroles qui l'apaisaient en quelques secondes. Oh comme elle l'aimait, lui. « Comme un charme, je vous en remercie. Vous êtes ravissante, la pénombre préserverait même mes yeux de vos charmes, Demoiselle Telemnar. » Uun délicat sourire naquit sur ses traits, détendant son visage autrefois inquiet et courroucé par la présence du roi dans ses quartiers dès la tombée de la nuit. Un mince coup d’œil dans les environs suffit à la rassurer. L'endroit était désespérément désert. Elle attrapa délicatement son poignet, avant de le mener à sa suite dans un recoin du long corridor. Si quelqu'un venait à franchir l’extrémité du couloir, alors ils seraient nécessairement repérés. Mais peu lui importait, Satine était prête à tous les risques pour un baiser de l'homme qu'elle n'avait pas vu depuis de longs jours d'inquiétude et de tracas. Elle laissa glisser un doigt fin sur son visage d'homme heureux, traçant le contour de sa joue. « Je vous retourne volontiers cette bonne parole, sir Thoron. » Ses dires se transformèrent en un murmure délicat, alors qu'elle rapprochait son visage du sien pour déposer un baiser sur ses lèvres. Les mains derrière son visage, elle ne les retira pas lorsqu'elle poursuivit dans ce même murmure. « Comme vous m'avez manqué, mon prince. Je vous prie de ne pas encore vous éloigner de moi dans les prochains mois. » Elle avait bien conscience qu'il n'était pas seul décideur de ses missions, et qu'il n'avait mot dire devant les ordres de son souverain. « Cela m'attriste que nous ne puissions nous retrouver ce soir. » lâcha-t-elle, arborant un visage soudainement attristé.

Au premier regard posé sur Satine, le prince avait su que tôt ou tard, elle le condamnerait à la servitude ; le faisant esclave de sentiments contre lesquels il lui serait impossible de lutter. Au-delà d'une attirance certaine et des charmes indéniables de la jeune femme, il avait vu venir le jour où son cœur tout entier serait à sa disposition. Le jeu de la séduction avait fait naître de véritables sentiments, cependant inavouables à la cours. C'est à force de persévérance et d'audace qu'il avait pu les lui confier et surtout, les partager avec elle. A ses yeux Satine n'avait jamais été une femme parmi tant d'autres : une courtisane venue user de sa beauté pour s'offrir une place et un rang. Tout au contraire, elle avait été celle qui avait retenu son attention, fait louper un battement à son cœur et conquit ses pensées. Néanmoins devenue favorite du souverain, son petit frère, il était encore plus difficile pour Elijah de se contenir lorsque la distance venait à les séparer. L'idée même de la partager avec un autre homme devenait en soit une épreuve, bien qu'il s'efforçait de faire preuve de retenue et d'un brin de sagesse. Ou du moins, de faire taire la folie qui aurait pu l'étreindre. Une telle liaison serait passible de mort, sans le moindre jugement. Sans être question de sa propre situation, il pensait davantage à la tête de sa belle. Aurait-il été plus sage de la laisser ? De mettre un terme à tout ceci pour la préserver, et espérer que le temps se charge d'effacer cet amour ? Peut-être. Même si rien ne lui aurait assuré sa pleine sécurité et que des nuages auraient noircis son esprit à la suite de ce chagrin. Non, il ne pouvait renoncer à cette femme. Il fallait donc jouer la carte d'une indifférence trop mince pour être encore crédible bien longtemps... Après tout, comment lui résister ? Encore ce soir, au détour d'un couloir, il se faisait violence pour ne pas la prendre dans ses bras et retrouver le goût légèrement sucré de ses lèvres.

Elijah y allait donc de compliments réservés, comme il aurait pu flatter n'importe quelle autre dame de la cours en temps normal. Mais il savait qu'elle y verrait là toute la sincérité dont il était capable, exprimant alors le fond de ses pensées. Elle était magnifique, comme à son habitude. Il ne résista pas un seul instant lorsque sa belle l'entraîna dans un recoin du corridor, cherchant peut-être à disparaître dans l'ombre de ce dernier. Le secret présentait des risques, mais il décuplait aussi le plaisir de ces instants volés. Entendre ces murmures glisser à son oreille tout comme le faisait son doigt contre sa joue, était un véritable bonheur. Il se sentait à nouveau bien, comblé. Il ne pouvait pas y avoir d'autre explication que la simple présence de Satine. La chaleur de son souffle tout contre sa peau, suivit de la douce pression de ses lèvres contre les siennes, étaient un régale. « S'il n'avait été question que de moi, je ne serais jamais parti. » -répondit-il tout en cherchant à l'embrasser à nouveau, sa main venant par ailleurs jouer avec une mèche de ses cheveux, encadrant son visage de poupée. Satine lui appris alors qu'elle ne pourrait pas être à lui pour cette nuit. Son cœur se serra, et l'espace de quelques instants il ferma les yeux. Il était peut-être de retour, mais il allait devoir demeurer dans cette douloureuse attente de la retrouver, totalement à lui. « J'aurais voulu vous avoir tout contre moi ; et sous d’innombrables caresses, mes mains se seraient délectées de votre peau... » Ses lèvres cherchaient à capturer cette bouche inspirant les pensées les plus impures, mais aussi la plus grande des tendresses. Il rouvrit alors les yeux, et plongea son regard dans celui de son aimée. Ces perles bleues, seules capable de sonder son âme et l’immergeant dans un océan de bonheur sous un voile d'assurance. « Vous laisser à mon frère est une souffrance. » Sa voix se voulait de plus en plus base au fur et à mesure qu'il lui confiait ses sentiments. Malgré tout le respect qu'il pouvait témoigner à son roi, malgré tout l'amour qu'il portait à son frère, son cœur ne pouvait qu'être teinté d'une pointe de jalousie.

Satine trouvait ce genre de moments privilégiés avec Elijah beaucoup trop rares à son humble goût. Aussi, elle en profitait au maximum. La main qui se baladait sur son visage faisait naître de doux frissons sur sa nuque, alors que les baisers qui fleurissaient dans l'obscurité faisaient battre son cœur plus vite encore. Boum, boum, boum. Elle ne voyait aucun avenir avec lui, et pourtant, il s'agissait sans le moindre doute de son plus grand rêve. Fonder quelque chose avec le prince, une famille pourquoi pas, vivre un amour au grand jour et profiter avec joie et bonheur d'une union véritable. Mais non, ils étaient contraints à se cacher, à nier la réalité de leur tendresse et de leur affection. C'était un mode de vie, une manière d'être à laquelle ils avaient fini par s'habituer, mais qui ne convenait ni à l'un ni à l'autre. Ils devaient pourtant faire avec, esclaves d'un indicible secret, d'un souverain surprotecteur.

« S'il n'avait été question que de moi, je ne serais jamais parti. »  Satine ne le savait que trop bien. Même s'il n'était pas un souverain légitime, Barahir était un homme qui inspirait le respect. Dès lors qu'il ordonnait quelque chose, il ne restait plus qu'à s’exécuter sans mot dire. Loin d'être diabolique, il n'en demeurait pas moins un homme incapable de pardonner les affronts. Ce qui, en l’occurrence, dérangeait leurs affaires personnelles, puisqu'il ne faisait aucun doute qu'ils mourraient tous deux si leur secret venait à se savoir. Peut-être que Barahir traiterait le cas de son frère à part, mais Satine ne verrait pas un autre lever de soleil, elle le savait parfaitement. Aussi, elle devait faire avec les ordres de son souverain, les nuits qu'il passait en sa compagnie, les repas auxquels elle avait "l'honneur" de l'accompagner. « J'aurais voulu vous avoir tout contre moi ; et sous d’innombrables caresses, mes mains se seraient délectées de votre peau... » A cette simple énonciation, Satine ferma les yeux, goûtant à la douceur de cette bouche contre la sienne, à la tendresse de ses jolies paroles, du doux son de sa voix. Jamais elle n'avait tant haï Barahir, alors que quelques minutes auparavant, lorsqu'elle quittait son bureau résignée, elle avait accepté sans mot dire la présence de son souverain dans ses quartiers cette nuit. Si elle avait su, si elle avait pu deviner qu'Elijah rentrerait aujourd'hui, alors elle aurait sans doute pu prétexter un problème quelconque, une maladie bénigne, une impossibilité pratique. Elle aurait trouvé, comme il lui arrivait d'échapper quelque fois à la domination du roi thoron.

« Vous laisser à mon frère est une souffrance. » Le ton d'Elijah s'était fait plus discret, plus bas, il s'était paré d'une teinte de tristesse, d'un voile de soumission. Laisser Satine et l'imaginer dans les bras d'un autre devait lui être douloureux, en effet, mais le simple fait de devoir s'agenouiller devant les ordres de son cadet devait tout aussi bien troubler sa fierté de mâle. La jeune femme ne l'imaginait que trop bien. « Mon cœur vous appartient, à vous et à vous seul. » Elle tâchait de le rassurer en énonçant diverses vérités dont il devait sans doute être déjà conscient. Mais finalement, cela ne changeait rien à la jalousie qui étreignait son cœur dès qu'il imaginait la femme dont il était amoureux dans les bras d'un autre. Satine aurait tant aimé pouvoir le soulager un peu. Chaque jour que dieu faisait, elle haïssait un peu plus son manque de courage. « Mon prince, Elijah, sachez que je donnerais tout ce que je possède pour n'appartenir qu'à vous. Mais nous avons tant cherché de solutions, en vain. Les choses n'ont pas changé, notre souverain ne me veut que pour lui, et rien que je puisse dire ou faire n'y changera quoi que ce soit. Il n'a que peu d'intérêt pour ce que je lui dis. » Il lui trouvait bien d'autres attraits, mais pas vraiment celui de la parole. Le ton de Satine s'était fait aussi bas que celui de son aimé. Les couloirs demeuraient toujours aussi vierge de toute présence, et bon socle de leur amour interdit. Néanmoins, ils n'étaient jamais à l'abri, jamais vraiment. « Comment s'est donc déroulée votre mission ? » lança-t-elle gaiement, incapable de demeurer trop longtemps dans un tel sujet qui pourrait courir à la catastrophe. Satine se glissa entre les bras d'Elijah, impatiente d'entendre son récit.

« Mon cœur vous appartient, à vous et à vous seul. » Ces mots pouvaient laisser rêveur. Avant tout homme avant même d'être prince, Elijah ne pouvait que se laisser bercer par de telles paroles. L'affection qu'il nourrissait à l'égard de la belle était telle que chaque jour que dieu faisait, elle lui apparaissait comme grandissante. Il l'aurait voulu sienne ; qu'aux yeux de tous elle soit son aimée. Au lieu de cela, ils vivaient cet amour dans le silence, se terrant dans un secret. Leurs vies en dépendaient. Quel malheur d'étouffer un amour sincère, au profit d'un protocole et d'une hiérarchie ; d'un droit royal, presque divin. Satine lui avait fait cette confession dans le simple espoir de le rassurer. Il le devinait sans mal. Douce comme elle l'était, elle ne pouvait qu'être bienveillante à son égard, alors qu'une jalousie certaine le rongeait doucement. Bien sûr, tout cela aurait pu être différent. Ces soucis n'en auraient pas été, cédant leurs places à la politique et aux temps de guerre. Elijah n'était pas idiot, il avait pleine conscience de la situation. Céder sa place à son cadet l'avait, sans même qu'il ne sache encore, condamné à ces rendez-vous secrets et ces instants volés. Tout l'amour du monde peut-il faire le poids face à un trône et ses responsabilités ? Pourtant, Elijah aurait été capable des pires folies pour cette passion. S'il n'avait pas été question d'un tel pouvoir, sur tout un peuple. Délicate, voilà comment était perçue la situation. Tout comme l'était l'obéissance qu'il devait à son souverain, devant oublier qu'il n'était que son petit frère. Ce garçon avec qui il se chamaillait étant enfants ; aujourd'hui cet homme à qui il devait céder cette femme.

La jalousie l'étreignait à nouveau, alors que Satine reprenait la parole. Voilà qu'elle lui exposait ce qui semblait être un véritable dilemme, une voie sans issue. Rien y faisait... Le roi, pourtant changeant et se lassant des faveurs d'une femme en un rien de temps, tenait à conserver Satine comme favorite. Il l'exhibait comme un trophée, une magnifique prise de chasse... Tandis qu'Elijah la chérissait comme la huitième merveille du monde, l'aimait pour l'être qu'elle était. « Les choses vont devoir changer. » -lâcha le prince, comme une promesse à sa propre personne. Il ne tiendrait plus à ce rythme là, bien que s'étant habituer à ces entrevues clandestines. La liberté de pouvoir l'étreindre quand bon lui semble, de voler ses lèvres en public et d'obtenir son temps en plus de son cœur, lui faisait cruellement défaut. Cette promesse, à demi-mots, était pour lui une belle manière de clore le sujet. Il sous-entendait qu'il allait agir, pour eux.

Le regard de la jeune femme sembla s'éclaircir, alors qu'elle s'accordait à lui en changeant de sujet. Voilà qu'elle l'interrogeait sur le déroulement de sa mission. « Hormis du froid, je n'ai pas eu à me plaindre. » -commença-t-il par expliquer, avec une pointe d'amusement dans la voix. Que pouvait-il lui dire à ce sujet ? Aucune bête n'avait été trouvée dans les environs, si bien que le peuple n'avaient pas d'autres choix que de rester sur ses gardes et de faire preuve de prudence, alimentant alors les rumeurs quand à la présence d'une monstre. Mais puisque tel était le désir de sa douce, il entama ce qui ressemblait au récit de ses aventures. « De la citée Lugan, nous sommes remontés jusqu'aux pieds des montagnes lunaires. Nous avons veillé nuits et jours, arpentant les flans de la montagne, tout près du village qui avait été attaqué. Mais nous n'avons rien trouvé... Aucune piste. Le roi nous a ordonné le retour à la capital, chargeant alors des troupes subalternes de prendre la relève. » A croire qu'il avait senti la détresse de son frère aîné, trop longtemps séparé de ce qui lui tenait le plus à cœur. Elijah aimait le penser, imaginant alors une bonté insoupçonnée chez un souverain, capable de comprendre un tel amour. Qu'il était beau de faire de si doux rêves... « Il semblerait que peuple n'ait rien à craindre... Rien qui ne soit près des montagnes en tout cas. » A sa connaissance, le seul dragon qui pouvait être actuellement dangereux avait élu domicile au château. C'était sans doute la première des menaces... Il était coiffé d'une couronne et... portait de somptueuses robes. Voilà où résidait le premier des dangers aux yeux d'Elijah. Il aurait peut-être même préféré être missionné pour l'abattre. Haussant les épaules, il était près à serrer à nouveau Satine dans ses bras, lorsque le bruit d'une lourde porte, que l'on venait de pousser, se fit entendre. Instantanément, il reprit une distance convenable avec la favorite de sa majesté le roi. « Mais inutile de vous soucier de ces affaires, dame Satine. »

Il était de notoriété publique que Satine appartenait au roi, et à lui seul. Barahir prenait un malin plaisir à la trimballer de banquets à banquets et de la garder toujours sous une certaine et discrète surveillance, avant de rejoindre sa couche dès le soir tombé. Il l'affichait telle une proie durement gagnée dans lequel il avait placé tant d'efforts et qui lui apportait tant d'honneurs et de fierté. Satine n'avait pourtant fais preuve d'aucune résistance et il se l'était accaparée aisément, jeune fille docile autrefois bien incapable d'ouvrir les yeux sur sa triste réalité. Seul Elijah avait été capable de lui rendre la vue. Et désormais, fermer les yeux lui paraissait une indicible torpeur, un cauchemar de chaque instant, alors qu'elle rêvait de ce paradis inaccessible qu'elle atteignait dès lors qu'elle se faufilait dans les bras tendres et chaleureux de son cher amant. Pourtant, Barahir n'avait rien d'un homme désagréable, et la courtoisie faisait partie intégrante de son être. Gentleman a ses heures, jamais il ne s'était montré violent ou avait fais preuve de méchanceté en sa compagnie. Au contraire, il s'était souvent montré sous son meilleur jour, et lorsque ce n'était pas le cas, c'était un souverain attristé qui lui revenait et à qui elle tentait de rendre la vie plus belle quelques instants. Aussi, le trahir de la sorte ne lui apportait aucun contentement, aucune joie. Satine s'en sentait sale et punissable, une vive honte transperçant son cœur de femme troublée. Une honte devenue nécessaire, voire même vitale dès lors qu'Elijah apparaissait dans son champs de vision. Aux prémices de leur relation, la jeune femme avait bien longtemps songé à y mettre fin. Délicate pétale de fleur précieuse que le moindre souffle de vent froid pouvait faire voltiger puis disparaître, elle avait oscillé. Oui. Non. Peut-être. Surement pas. Elle risquait gros dans une idylle à laquelle elle ne croyait pas spécialement. Elle risquait de perdre la vie, de trahir son roi, celui qui lui avait offert situation sociale, prestige et argent. Mais que valait tout cela face à l'amour véritable ? A vrai dire, pas grand chose.

« Les choses vont devoir changer. » L'assurance qu'elle put lire dans son regard et dans le ton de sa voix interdit à Satine de poser davantage de questions. Elle se contenta d'un regard interrogateur, qui ne trouva nulle réponse dans les pupilles troublées de son cher et tendre. Celui-ci semblait perdu au fin fond de pensées moroses et obscures, auxquelles la jeune femme aurait payé cher pour pouvoir participer. Elle s'abstint pourtant, préférant questionner Elijah sur la mission qu'il avait du effectuer, et la raison de son départ si brusque. Attentive à son récit, elle se retint de soupirer d'aise lorsqu'elle comprit qu'il n'avait pas eu à sortir son épée de son fourreau, et qu'il n'avait pas non plus eu à faire face à divers barbares sans scrupule et sans gêne. Certes, Elijah était un homme de pouvoir et de guerre, un homme sur lequel il était aisé de compter, et Barahir l'avait bien compris. Mais, normalement et désespérément inquiète pour l'homme dont elle était tombée éperdument amoureuse, Satine ne pouvait que difficilement l'imaginer risquer sa vie, que ce soit pour le royaume ou pour son propre frère. Aux yeux de la jeune maîtresse, ni l'un ni l'autre ne valait de dérober cette vie si précieuse, celle d'un prince d'une modestie troublante et d'une intelligence effarante.

C'est sur ses pensées qu'une des multiples portes du long corridor s'ouvrit en laissant échapper un long grincement qui ne manqua pas de faire sursauter la belle. Sans attendre, elle se décala de son prince, immédiatement caressée par une brusque bourrasque de vent frais. La température avait bien chuté depuis quelques semaines, et la peur qui lui montait au cerveau ne faisait qu'accentuer ses odieux frissons parcourant sa nuque et la courbe de son dos. L'habitude n'avait en aucun cas agi sur cette terreur là. « Mais inutile de vous soucier de ces affaires, dame Satine. » « Messire, il me faut m'en soucier dès lors qu'elles concernent mon roi et la sécurité de son royaume. » Sa voix ne tremblait pas, mais ses genoux se dérobaient sous elle sans qu'elle ne puisse rien y faire. Un bref regard lui suffit à reconnaître l'un des moines priant Saeryn, qu'elle salua d'un hochement de tête et d'une courte révérence faussement courtoise. L'illusion était parfaite. Seuls ses faibles genoux et la lueur sombre dansant dans ses pupilles trahissaient son désarroi. Elijah, quant à lui, respirait la tranquillité. « Comment diable faites-vous ?. » lâcha-t-elle alors que le prêtre avait enfin disparu dans l'ombre d'un autre couloir depuis quelques longues minutes. Sa voix tremblait perceptiblement, et l'habitude de leurs retrouvailles maudites et incorrectes n'avaient jamais rien pu faire contre cette terreur sourde qui troublait son âme dès lors qu'une tierce personne se frayait son chemin dans leur cocon de tendre bonheur. Elle ne l'admettait pas, et ne l'acceptait pas davantage. « Accepteriez-vous une balade dans l'un des parcs du château avec mon humble personne ? Cela, au moins, nous est accordé. J'ai à vous parler, messire. »

(Je suis désolée pour la qualité médiocre de ce post...)

Il ne s'agissait que d'un moine, et pourtant cet homme avait ravivé chez nos deux amants leurs craintes d'être découverts. A croire qu'il leur était interdit de faire preuve d'un peu d'insouciance afin de partager des instants simples, d'un bonheur incommensurable. Impossible pour eux de se laisser aller dans les bras de l'autre, profitant d'une étreinte, d'un sourire, d'un baiser... Nulle caresse ne pouvait être offerte sans un brin de retenue, au cas où l'on viendrait les interrompre, sans crier gare. Elijah s'était pourtant contraint à l'idée, s'y faisant tant bien que mal en attendant de trouver une solution plus convenable. Mais la vérité n'avait rien de ''convenable'' en ces temps. Du moins, pas à l'égard d'un roi, qui s'octroie ce que bon lui semble et fait de ces femmes de véritables objets de collection. Satine en était devenue la pièce maîtresse, sans même l'avoir demandé. Et c'était bien le malheur du prince, qui se sentait impuissant face à l'intérêt que portait son frère à l'égard de sa dulcinée. Il semblait sans fin, imperturbable et constant... Comme si quelque chose d'invisible aux yeux de l'homme entretenait cette flamme et cette fierté. Et pourtant, aucun homme n'aurait pu être aussi fier qu'Elijah aux côtés de la jeune femme. Seulement, il devait ravaler cette fierté et taire ses sentiments, pour leur sécurité. N'importe qui aurait pu les surprendre si, l'un comme l'autre, ils n'avaient pas fait preuve de discrétion. Le premier venu, témoin de leur relation, aurait pu les dénoncer pour en tirer un quelconque profit. Même un moine ! Ne priait-on pas pour Saeryn en ce royaume ? Le dieu du mensonge, de la ruse et du pouvoir habitait chaque parcelle de terre, chaque rempart, chaque mur élevé en ces contrées. Ses fidèles lui auraient donc fait honneur, malgré tout l'amour porté à l'héritier. La foi en était plus importante encore, disait-on...

Cette fois-ci, Elijah avait tout de suite réagit, s'empressant de jouer une comédie qui avait le don de l’écœurer. La tromperie en soit n'était pas le plus dérangeant... C'était ce comportement hypocrite, cette façon d'agir pour préserver ce qui était d'une beauté et d'une sincérité rare, qui lui pesait sur la conscience. Il affichait néanmoins un sourire en coin, demeurant poli et avenant comme l'aurait fait tout homme à l'égard d'une courtisane. On lui avait adressé un signe de tête respectueux, le saluant au passage de son titre de prince. Satine lui donnait même la réplique ; acteurs qu'ils étaient sur une scène que tout deux détestaient. Si Elijah s'était écouté, il l'aurait emmené avec lui, la cloîtrant des jours entiers dans des appartements à milles lieux de Barahir. Il l'aurait enlevé au monde et l'aurait fait sienne ; se permettant d'afficher le visage d'un égoïste, fou et impulsif... Mais d'un égoïste amoureux. « Comment diable faites-vous ? » Peut-être pensait-elle que tout allait bien pour lui, loin d'être déstabilisé par une quelconque pression. « J'ai grandi à la cours, ma dame. » -se contenta-t-il de répondre, exprimant par ce sous-entendu que le mensonge s'apprenait auprès des plus grands. Son statut faisait qu'il avait été, pour ainsi dire, formé à dissimuler ses émotions et ses pensées. Rien ne peut prédire ce qui se trame réellement dans l'esprit d'un roi, ou celui de ses fils. Du moins, en théorie. Elijah avait été un bon élève, voilà tout.

« Accepteriez-vous une balade dans l'un des parcs du château avec mon humble personne ? Cela, au moins, nous est accordé. J'ai à vous parler, messire. » Lui parler ? Une annonce qui piqua à vif la curiosité du prince. Bien sûr, il n'allait pas lui refuser cette promenade, tout en sachant qu'il ne pourrait passer du temps en sa compagnie le soir venu. Et puis, elle disait vrai. Il s'agissait d'une des rares activités qu'ils pouvaient partager sans que l'on pose sur eux des regards suspicieux. « Je ne saurais m'en priver... » Il était à la limite de ce qu'il était bon de dire ou non. Il le savait, et devinait sans mal, dans les yeux de sa douce, qu'elle n'en pensait pas moins. Tout ce qu'il désirait, c'était lui décrocher un sourire en lui confiant cela. Lui tendant la main, il l'invita à y déposer la sienne pour l'accompagner jusqu'aux jardins royaux. Entretenus avec savoir faire et finesse, ces parcs se voulaient reposant et propices à la tranquillité. Parfait pour une conversation, aussi anodine que privée. Même si on venait à les remarquer ensemble, il serait aisé de prétendre à une promenade de courtoisie, parlant de la pluie et du beau temps, de sa majesté et de ses humeurs... Cependant, Elijah sentait qu'il n'en serait rien de tout cela. Et c'était bien ce qu'il pouvait l'inquiéter.