Depuis sa première visite à la cour royale et, plus largement, depuis sa venue au monde, Eulalie avait fait bien du chemin. De nombreux mois s'étaient écoulés depuis son installation au palais, mais la lassitude n'était pas encore venue la prendre, et elle s'étonnait elle-même d'être encore, chaque matin, émerveillé par la vie qu'elle menait. Bien sûr, elle avait toujours cette grande maîtrise sur elle-même, afin de ne pas apparaître comme une petite fille ayant enfilé des vêtements bien trop grands et riches pour elle. Après tout, elle savait qu'elle était observée et, plus que cela, épiée. Mais il ne fallait pas s'attendre à grand chose d'autre lorsque l'on était la favorite du roi. Eulalie tenait à ce rang qu'elle occupait, tout comme elle tenait à bien être claire dans la définition allant avec : elle n'avait rien d'une prostituée, ni même d'une simple maîtresse. Elle était plus que cela. Elle était la favorite d'Amras, avec tout ce que les connotations allant avec. Elle n'était ainsi pas qu'une vulgaire jeune femme que l'on détrousse en toute impunité. Elle n'allait pas de bras en bras, de lit en lit. Il n'y avait qu'Amras. Du moins, officiellement. Et en ce qui concernait la vérité officieuse, cette dernière était très probablement l'un des secrets les mieux gardés qui soit. La preuve : Amras avait des yeux et des oreilles partout, en la personne de nombreux espions, et de tout un tas de courtisans et de serviteurs qui ne rêvaient que d'une chose, placer l'une des leurs à la place actuellement occupée par Eulalie. Une fille, une sœur, une cousine, peu importait. Eulalie comprenait parfaitement cette attitude, et ces desseins : après tout, la place était plus qu'agréable, offrant tellement d'avantages, et si peu d'inconvénients. D'ailleurs, puisque l'on parlait d'avantages ...

Lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit, dans un bruit de bois et de fer, la jeune femme cessa de peigner ses longs cheveux devant sa coiffeuse. Elle se leva, remit de l'ordre dans les plis de sa robe, avant de se retourner et de faire quelque pas en direction du centre de la pièce. Elle n'avait pas besoin de dévisager la personne venant d'entrer, car il faudrait être fou pour pénétrer ainsi en ce lieu si l'on ne se trouvait pas être le roi Amras lui-même. Des têtes, cela se tranche facilement, tout comme les exécutions pour trahison contre le roi peuvent pleuvoir à foison. Affichant un sourire enchanté, et enchanteur, Eulalie ne tarda pas à se stopper, avant d'exécuter une parfaite révérence devant son suzerain et maître. Car même en ces lieux, il demeurait son roi avant d'être son amant. Et la raison pour laquelle c'était lui qui se déplaçait jusqu'ici, alors qu'il était Lord souverain et qu'elle n'était que sa favorite, était simple : la chambre royale était le domaine réservé du couple royal, justement, et plus particulièrement celui de la reine Leann. Cependant, bien évidemment, si Amras venait un jour à ordonner à Eulalie de le rejoindre dans ses appartements, cette dernière s'exécuterait, sans broncher et sans doute même avec une certaine jubilation. Mais là n'était pas le propos. La veille, après qu'Amras et elle aient bien batifolé sous les draps, la jeune femme avait exprimé à son amant son souhait de pouvoir se voir accorder audience. L'hypothèse que cette audience est lieu de la façon la plus officielle possible, avec témoins, et dans la grande salle, avait bien évidemment été balayé du revers de la main. Certaines choses ne s'épanouissaient que mieux dès lors qu'elles avaient lieu un tant soit peu dans l'ombre. Alors, Eulalie espérait vraiment de tout cœur que le temps de cette audience privée soit venue.

❝ Mon roi ... ❞ Se relevant de sa révérence, Eulalie laissa fuser un léger rire d'entre ses lèvres, tout en observant Amras. A n'en pas douter, elle ne pourrait rêver meilleure position que la sienne. Cet homme est un dieu, et n'y voyez aucun blasphème ... En attendant, Eulalie attendait patiemment le moindre mot d'Amras, afin d'exactement savoir ce qu'il attendait d'elle, à cet instant.