La chapelle grinça de l'intérieur, puis ouvrit sa porte. Une bourrasque froide malgré l'été s'y engouffra, ébouriffant les longs cheveux dorés de la prêtresse, soufflant quelques bougies. La femme, pour toute réponse à cet accueil on ne peut plus chaleureux de la nuit tombée, répondit simplement par un mouvement ample des bras pour déposer sa capuche brodée de fourrure sur sa tête. La quasi totalité de son visage dissimulée par le vêtement, Héra referma la porte derrière elle et s'engouffra dans la froideur de la nuit de Belithrael.

Se joignant à la comptine du vent, les plis de sa longue cape glissèrent bientôt derrière elle comme le plumage tendre mais froid d'un oiseau de mauvais augure. Elle traversa les quartiers bien famés du centre de la capitale, permettant ainsi à son cheminement de se dérouler sans accroc, c'est à dire dans la solitude la plus totale. Elle ne baissa pas pour autant sa garde, songeant qu'il demeurait si facile dans une telle ville de se faire égorger au moindre coin de rue, parfois même en pleine place publique alors pleine de monde.
Mais puisque désormais, la capitale devenait dangereuse même en plein jour, lune et soleil se confondaient dans une symphonie grotesque qui suivait ses pas partout où elle allait.

S'assurant pensivement de la présence d'une arme blanche contre sa jambe, Héra poursuivit son chemin en direction du quartier résidentiel où elle avait une petite maison discrète quand elle ne se cachait pas dans les appartements de la noblesse que la belle et gentille – trop gentille – Reine Leann avait eu la bonté de lui offrir. Néanmoins ce soir, Héra avait besoin de tranquillité. Après une journée quasi pleine passée dans l'obscurité du temple à prier et à méditer, elle tenait à conserver l'esprit serein qui se dégageait d'elle en trouvant le repos dans un endroit où elle avait ses repères, loin des mondanités de la famille Gwenlaur.

Cependant, on ne la laissa pas atteindre son but. Soudainement, une bourrasque plus brusque que les autres, mais aussi plus froide, perça son ouïe de sorte qu'elle cessa aussitôt de marcher. Une ombre passa devant ses yeux, avant que sa vue ne redevienne normale. La fatigue ? Impossible, elle demeurait plus vigilante que jamais, même à cette heure avancée de la nuit.

« Qui va là ?» susurra-t-elle en portant sa main à sa jambe.

Ses yeux furetèrent dans les environs, tentant de percer la noirceur des lieux.

Les états de Gwelnaur n'était pas la contrée où j'aimais aller. Cela faisait une trentaine d'années que j'avais fui cette région, et j'avais souvent peur de revoir mon père ou bien ma mère, si ces derniers étaient encore vie car je n'avais plus du tout de nouvelles d'eux. Et, c'était pas plus mal comme ça, je savais très bien comment mon père réagirait en me voyant. Il voulait que je devienne un chasseur, j'étais devenu un vilain méchant : mercenaire, assassin, chasseur de primes, tout ce qui pouvait me rapporter de l'argent. Et puis, j'aimais tuer, j'adorais ça même.

Ma venue à Belithrael était pour un boulot. Un riche marchand m'avait demandé de tuer un concurrent sur le marché, à cause de cet homme, mon employeur temporaire ne pouvait pas faire beaucoup de profits, enfin bon je m'en fichais, tant qu'il me payait. L'affaire fut réglée en quelques minutes. J'étais rentré dans le domicile de ma proie, un coup de dague et j'étais parti. Il faisait nuit dans la capitale, une nuit d'été mais l'air était bien frais. Les rues de la ville étaient désertes, et je marchais furtivement. On ne sait jamais si un garde venait à apparaître et vienne me casser les noises. Alors que je marchais, je vis une femme au loin. Difficile à voir de ce qu'il s'agissait au loin, mais je m'approchais dans un silence. Plus près d'elle, la personne avait aperçu ma présence. M'approchant un peu pus, je vis sa tenue. Assez riche, mais je connaissais cet habit. Il n'y avait pratiquement qu'une personne à Belithrael qui portait une capuche brodée de fourrure. Sa voix prouva mes doutes. « Rien ne sert de porter votre main sur votre dague. », disais-je de ma voix froide et habituelle. Je sortis de l'ombre, enlevant mon capuchon et faisant par la même occasion apparaître mon visage. « Grande Prêtresse, avez-vous donc peur ? » , ajoutai-je, toujours avec ma même voix.

La déesse dorée se retourna dans un froissement de fourrure digne d’un tourbillon divin. Sa cape dorée souleva la poussière sur le sol et dans le mouvement, sa capuche caressa ses cheveux divins avant de chuter lestement sur ses épaules. Son cœur s’emballa tandis qu’elle découvrait la présence d’un homme à la carrure typiquement...typiquement rien du tout en fait. On pouvait cependant aisément le différencier d’une femme grâce à son accoutrement, à la largeur de ses épaules, et à sa voix rustre et froide.

Un sourire se dessina dans les lèvres de marbre de madame, sans pour autant s’y graver jusqu’à la sincérité. Elle inclina cependant légèrement la tête afin de montrer qu’elle acceptait au moins la présence de l’homme.

« La paranoïa des espaces sombres. » répondit-elle à sa question comme à son bonjour.

Quelle idée, allez-vous me dire, de vivre dans une ville telle que Gwenlaur, plongée dans une perpétuelle brume obscure, si l’on craignait la froideur étouffante de l’obscurité ? Je vous répondrai que si elle n’en était pas morte de peur actuellement, c’est qu’il est parfois des heureux moments où elle n’en avait tout simplement confiance. Héra se perdait souvent dans les méandres de son être afin d’échapper à ses craintes, et elle n’en demeurait ainsi que plus effrayante.

« Pas besoin d’armes ? Que voulez-vous donc, dans ce cas ? Faire un brin de causette ? »

En d’autres termes, le sport pour laquelle elle était le moins douée. Préférant s’exprimer par gestes, parfois par attaques, surtout par défense, elle ne parlait que peu, et surtout pas d’elle-même. Les mains gelées serrées sous la chaleur de sa cape de fourrure, elle inclina légèrement la tête de côté, comme une poupée de conte occulte, ses yeux gris scintillant comme deux lumières diaboliques pour effrayer les voleurs.

Elle qui requérait le calme ce soir accueillait cependant l’homme dans son attention avec une absence de sincérité démentielle. Mais les Dieux accueillaient tout le monde dans leur sein, et elle portait leur parole. Ainsi quelque fut cet homme, elle se devait d’accepter de lui parler, d’accepter de lui indiquer son chemin, ou quoi que ce soit d’autre. La main toujours à quelques centimètres de sa dague, cependant, elle attendit la réponse de l’homme avec une patience qui avait tout de même des limites et n’avait qu’une envie, rentrer au chaud dans ses appartements et prendre le bon bain doux qui allait avec.

Il était fréquent que des viols ou même des meurtres se fassent dans les rues de Belithrael, et encore plus la nuit. Les soldats ? Ils n'en avaient cures, eux-mêmes se permettaient de tout. Je comprenais alors pourquoi certaines personnes se baladaient avec des armes sur eux, j'étais pareil, il faut dire. Quoique même sans armes, je savais me défendre comparé à d'autres personnes.

Je n'aimais pas être à Belithrael, je n'aimais pas tout court être dans les états de Gwelnaur. Cette contrée me rappelait des souvenirs enfouis dans mon coeur, et je préférai de loin ne pas y penser. Pourtant, sans penser aux habitants de ces états, il s'agissait d'une très belle contrée. Cependant, j'aimais voyager et je me voyais mal rester dans une contrée pendant plus d'un mois. Peut-être plus tard, où je fonderai ma famille. Un jour qui, j'espérai, serait bien loin dans mon avenir. Je n'étais pas prêt à élever des enfants.

Bref, la prêtresse me demandait ce que je voulais, et cela me fit sourire. Je n'étais pas quelqu'un de très bavard, mais parler avec cette femme était souvent intéressant pour les affaires, surtout. Depuis quelques temps déjà, je lui offrais mes services et c'était pas plus mal. A côté, elle était l'une des rares personnes à savoir tant de choses sur moi et inversement. Je n'hésitai pas à m'en servir contre elle, surtout au vu de sa stature. « Et bien, pourquoi pas ? Cela vous dérange-t-il Madame ? », disais-je, en tentant d'être poli bien que ce n'était pas mon genre, et que la femme le savait que très bien.

Je regardais autour de nous, la rue est toujours sombre, malgré cela je préférais ne pas rester ici. « Mieux vaudrait partir d'ici, les lieux dans cette rue ne sont pas très sûr pour vous. », déclarai-je, d'un ton plus amical. Je pris les devants, marchant tranquillement savant très bien que la prêtresse allait me suivre. Je pris une ruelle, éclairée par la lune, et trouva que l'endroit était parfait pour discuter.

La grande prêtresse balaya la marque de politesse d'un simple mouvement de bras. Le sourire doux qu'elle lui adressa par la suite contrasta étrangement avec la froideur du ton qu'elle employa.

« Je vous en prie, capitaine, vous savez bien que vous n'êtes pas obligé de vous masquer en ma présence. »

En d'autres termes, cause le patois du terroir ou je vais me fâcher tout rouge. Héra avait fourché ironiquement un jour en le qualifiant de ce sobriquet, qui bien entendu, à la vue de sa condition relevait de la pure ironie. Mais elle l'avait tout de même conservé, parfois au détriment du ton cordial de leurs conversations – et comme tous deux détestaient causer, elles se faisaient rares – ce qui signifiait clairement qu'elle se prenait d'une certaine affection pour ce voleur bourru tant qu'il obéissait et qu'il la faisait grimper aux rideaux.

Airard prit l'initiative de leur faire quitter cette rue sombre dans les coins de laquelle se cachaient certainement de ses comparses, payés néanmoins par d'autres nobles. Héra se saisit des bords de sa capuche avant de reposer cette dernière contre sa cascade de cheveux dorés, puis suivit bien évidemment son associé dans une rue baignée dans le clair de lune. Brumeux, certes, mais plus lumineux que l'obscurité des artères étroites qu'elle avait traversées jusqu'à présent.

« Que faites-vous ici Airard, vous qui détestez cette contrée ? »

En effet la jeune femme n'était pas sans savoir que n'importe quelle personne non originaire de Gwenlaur – ou tout simplement pas éduquée de cette manière – ne pouvait pas vivre tranquillement dans une cité si haineuse et agressive, et où le jour n'était qu'une variante un peu plus claire mais tout aussi brumeuse des nuits glaciales qu'on espère les plus courtes possibles.
Son employé ne faisait pas exception à la règle.

« Peut-être me cherchiez-vous ? »

Non, elle ne figurait pas comme centre du monde auprès de cet homme et ses relations avec ce dernier demeuraient purement professionnelle – les entrevues charnelles n'étant que le penchant intime et fidèle de leur partenariat. Elle savait très bien qu'Airard fréquentait d'autres pouliches, tout comme elle-même fréquentait d'autres étalons. Elle ne s'en formalisait pas. Un pas de travers de chaque côté, et l'un fondrait sur l'autre comme s'ils n'avaient jamais eu de relations plus intimes q'un regard.
C'était pour cela que Héra appréciait profondément Airad. Il observait le même fonctionnement qu'elle.

Sa déclaration me fit tellement sourire, elle avait raison sur ce point là. Prendre un ton poli et faire l'homme respectueux n'était pas moi, je n'étais pas du tout ce genre d'hommes, en effet. Malgré le fait que Héra et moi ne parlions peu - et qu'on échangeait quelques rapports sexuels - j'avais l'impression qu'elle me connaissait bien. Il faut dire qu'elle m'avait très rapidement cernée, et moi de même. On était quasiment pareils. Pour cela, si une offre d'un bon montant assez élevé se proposait pour la capturer ou même l'assassiner, je savais que je n'hésiterai pas. D'ailleurs, je savais que c'était pareil pour elle !

Elle me demandait ce que je faisais ici. Ne s'en doutait-elle pas ? Si j'étais ici, c'était purement professionnel. C'était sur que je ne viendrai pas dans ces états de mon plein gré. « Purement professionnel. Je ne doute pas que vous saviez ma venue dans ces lieux... que j'haie en tout point.  », avais-je alors répondu tranquillement. D'ailleurs, nous n'allions pas tarder à attendre des cris lorsqu'ils découvriront le corps de l'homme ensanglanté. Un petit coup de dague à la carotide et l'oeuvre avait été faite. Parfait, discret, un véritable boulot d'assassin. « Et vous, que faisiez-vous dehors en pleine nuit ? », disais-je toujours aussi calmement, et bien que je me fichais totalement de sa présence ici et aussi tardivement.

A son autre question, je me permis de l'ignorer. Si j'aurai voulu la voir, cela aurait fait quelques temps que je serai venu à son domicile ou autre part, je l'aurais trouver. Bref, je regardais autour de moi, toujours aucun cri. Je trouvais cela bizarre, ou bien ses proches ne se levaient jamais dans la nuit, bizarre. « Et donc, comment vous vous portez ? », déclarai-je, toujours sans le moindre intéressement à ma question.

La prêtresse inclina la tête, signifiant qu'elle avait compris.

« Bien entendu. On pourrait cependant espérer que vous vous fassiez à cette sombre contrée, compte tenu des nombreux services que vous y rendez. »

Services dans le sens où il permettait à ceux qui le payaient de dormir sur leurs deux oreilles tandis que leur ennemi, soigneusement éliminé de la circulation par Airard, se baignait dans son sang dans un coin sombre d'une rue malfamée. Airard ne travaillait jamais gratuitement, même si d'expérience, Héra savait que dans de rares cas le paiement pouvait se faire autrement qu'avec des pièces sonnantes et trébuchantes.

Des cris retentirent aussitôt dans la rue. Les volets s'ouvrirent. Les lumières des chambres illuminèrent la rue. Plusieurs personnes passèrent dans la rue, armées de flambeaux pour mieux voir. Des femmes affolées, certaines portant leur enfant contre leur cœur, trébuchaient dans leur toilette de nuit, des larmes roulant sur les joues. Certains hommes se saisissaient d'épée, de couteaux de cuisine, pour chercher l'auteur du drame. La tension monta dans la rue. Héra suivit des yeux les derniers corps disparaître au coin de la rue.

« Décidément vous ne chômez pas. » commenta-t-elle d'un ton satisfait.

Puis elle se tourna vers lui, sembla soudain se rappeler qu'il s'était soucié d'elle en lui demandant comment elle se portait et ce qu'elle faisait de ses journées. Il voyait très bien comment elle se portait, et savait très bien à quoi elle occupait ses journées puisqu'il la connaissait très bien et savait quel métier elle exerçait depuis des années. Cela signifiait donc que, logiquement entre deux personnes peu bavardes, cette conversation devenait totalement stérile.

Au loin, les cris prirent de l'ampleur, les épées s'entrechoquèrent. Héra avait prié toute la journée pour la sauvegarde de son royaume mais aussi pour que les habitants cessent de s'ennuyer : visiblement, les dieux l'avaient entendue, vu le grabuge qui se faisait dans la rue adjacente. Les citoyens se mettaient en colère et ils ne tarderaient pas à massacrer tout âme qui vive encore dans ces rues, prétendue comme un hypothétique coupable.
Gwenlaur avait faim de sang.

« Il vaudrait mieux ne pas rester ici. »

Elle se tourna vers le mercenaire et souffla son doux parfum dans sa direction tout en approchant la chaleur de son corps du sien.

« J'ai froid Airard. Les brumes me glacent. Si vous me réchauffiez ? »

Dans l'obscurité de sa capuche, ses yeux scintillèrent d'une lueur moqueuse.

Je souris tranquillement à sa question, jusqu'à ce que l'on entende des cris près de nous. Enfin, ils avaient découvert le corps mort de la personne que je venais d'assassiner. Des femmes sortaient, des hommes portant des torches étaient devant ces femmes, certains ayant une épée dans la main. Ils cherchaient l'assassin. J'étais juste là. La prêtresse me regardait, me disant que je ne chômais pas. Je lâchais un sourire, répliquant :

« Il faut bien que j'assume la réputation que j'ai. ».

Un petit silence s'était posé entre nous deux, jusqu'à ce que l'on entende les bruits métalliques des lames s'entrechoquant. Ils cherchaient l'assassin, et surtout ils en profitaient pour s’entre tuer. C'était ça les états de Gwelnaur. Ils s'approchaient de nous, je les entendais arriver. Héra proposait de s'en aller, et j'étais de son avis. Approchant son corps du mien, elle me soufflait qu'elle avait froid et qu'elle souhaitait que je la réchauffe.

« La proposition me semble tentante, en effet. », lui répondis-je alors d'un simple murmure.

Et, dans la nuit, nous sortîmes tranquillement de la ruelle où nous étions, laissant les habitants de la capitale se battre. Nous nous éloignons tranquillement, et je posais mon regard sur la femme blonde à mes côtés.

« Je vous suis, votre demeure ne doit pas être loin, non ? », lui demandais-je.

J'étais déjà allé dans son logement, mais sur cela, je n'avais plus une très bonne mémoire. Je savais très bien que j'allais passé une bonne nuit, je me posais la question d'ailleurs, en étais-je sur ? Je le saurai dans quelques instants. Plus l'on marchait, plus les cris s'estompaient. On s'éloignait un peu plus de ces meurtres sans raison.

Bien évidemment, le mercenaire de son cœur accepta la proposition. Il fallait être stupide pour refuser l’offrande d’un tel corps, qui, paradoxalement, était sensé s’adonner à la pureté de la prière des dieux de Gwenlaur. Ainsi ils s’éloignèrent de leur point de causette, se guidant mutuellement jusqu’à sortir de la ruelle pénétrée par les habitants apeurés et en colère. Bientôt, à l’aide de leur marche rapide, ils dispensèrent leurs oreilles des cris et du tintement des aciers. Airard lui indiqua qu’il la suivait, signifiant qu’il ne se souvenait pas de la position de ses appartements. Du moins ceux qui ne se trouvaient pas au palais.

« Effectivement, mon cher. J’y allais justement alors que nous nous sommes croisés. »

Si une négociation charnelle n’était pas prévue pour la suite, le ton aurait été nettement moins courtois car il avait clairement retardé son bon bain chaud et ses draps doux. Cependant les choses étaient désormais toutes autres. La grande prêtresse s’assura de la bonne tenue de sa capuche et, le mercenaire la suivant, fila dans les artères des modestes fonds de Gwenlaur.

Elle parvint enfin à une petite porte aussi banale que toutes les autres, dans un équilibre précaire. Sortant une clef tout aussi moisie des replis de sa cape, Héra extirpa sa main de son plumage doré avant d’ouvrir la porte. Le mécanisme joua et la porte pivota sur des gonds grinçants avant de s’ouvrir sur une immense cour.
La porte n’était là que pour cacher la somptueuse demeure, qui, si elle avait été dévoilée, aurait été rapidement prise d’assaut par les voleurs et les bandits.

Héra foula les graviers de la cour qu’elle traversa dans de longues enjambées frémissantes, avant d’ouvrir la porte principale de la demeure. Ils débouchèrent alors sur un hall d’entrée. Personne ; l’unique domestique pour l’heure se reposait dans ses appartements en attendant l’appel d’Héra qui ne tarda pas. Cette dernière lui commanda bien vite son fameux bain et de quoi sustenter son invité, avant de lui laisser sa cape, découvrant ainsi sa robe de prêtresse, une toilette quasi rigide, d’une blancheur immaculée.

« Montons à l’étage je vous prie. »

Ils pénétrèrent alors dans la chambre dont Airard commençait à avoir l’habitude. Une immense pièce où se tenaient dans une harmonie qui n’appartenait qu’à elle, un lit à baldaquin qui attestait de son rang social, plusieurs armoires et une grande baignoire à qui un paravent tenait compagnie. Le strict minimum dont elle se contenait bien quand elle n’allait pas dormir au palais.
Sans gêne, Héra se dévêtit immédiatement, laissant tomber sa toilette à terre qui avait tant semblé la déranger. Elle se trouva ainsi bien vite uniquement vêtue de bas qui lui descendaient jusqu’aux genoux, ses seins reposés, les mamelons pointant à l’air soudain si frais de la chambre encore non chauffée.

Nous nous dirigions alors vers la demeure d'Héra, la grande prêtresse. On s'éloignait tranquillement des cris et des petites maison de la capitale pour arriver devant une porte. Porte qui était tout à fait comme les autres à vrai dire, banal. Pourtant, lorsque la porte s'ouvrit, elle laissa place à une cour immense. J'étais déjà venu de nombreuses fois, mais cela me surprenait toujours autant. Nous marchions sur le sol pour arriver devant la porte principale, qui nous fit découvrir le hall. Vide, il n'y avait personne dans la maison. Rapidement, suite à l'appel de la prêtresse, le serviteur fit son apparition. Héra lui demanda de quoi me nourrir, et de préparer son bain. Regardant le domestique, je lui fis comprendre que je souhaitais seulement un verre d'eau-de-vie - qu'il me servit bien vite.

J'étais calme, comme d'habitude. Héra déclara de monter à l'étage, et je la suivis. La chambre était tout à fait simple, et il n'y avait que très peu de choses, là aussi j'avais l'habitude de voir cette pièce. Sourire aux lèvres, je vis Héra se déshabiller. Il ne restait que des bas lui allant jusqu'au genou sur elle, laissant le reste de son corps à l'air libre. Me rapprochant d'une armoire qui m'arrivait au bassin, j'y posais dessus mes armes. J'enlevais mon haut et mon bas après avoir posé mon verre alcoolisé, ne restant sur moi plus que mon caleçon. Je bus quelques gorgées du verre.

« Prenons un bain ? Il n'est pas préparé pour rien, je suppose. », disais-je, sur une pointe d'ironie.

Je m'approchais de la baignoire, y passant mon doigt dans l'eau pour jauger la temperature. Elle était parfaite, ni trop froide, ni trop chaud. Tentant de faire preuve de galanterie, je regardais Héra, l'invitant à rentrer la premier dans le bain.

« Après vous. », déclarai-je seulement.

Saisissant son propre verre après s'être dépourvue de ses bas, Héra en avala une longue gorgée qui lui brûla l’œsophage, permettant ainsi de se réchauffer. Ses petits seins se détendirent et son corps se lâcha légèrement. Elle s'approcha du bain qui la séparait de son amant et posa sur le bord de la baignoire son verre à pied.
Galant, comme à l'ordinaire, Airard lui proposa d'entrer à son tour. Un claquement retentit et Héra comprit que son domestique avait fermé la porte derrière eux. Ils demeuraient désormais seuls et on ne viendrait pas les déranger, contrairement au palais ou divers serviteurs et domestiques claquaient contre la porte en permanence pour s'assurer que vous n'aviez besoin de rien. Dans un sens c'était rassurant, dans l'autre cela en devenait particulièrement frustrant. C'était pour cela qu'Héra ne se rendait jamais dormir au palais après une journée aussi éprouvante passée à prier.

La prêtresse leva la jambe et la plongea tout entière dans l'eau à parfaite température. Ce bon vieux gaillard savait désormais chauffer son bain comme elle le désirait. La seconde jambe, puis le corps tout entier, suivirent à leur tour et Héra s'assit bientôt dans la baignoire, le cou contre le bord, l'eau lui arrivant jusqu'à la clavicule.

« Mais rejoignez-moi mon cher, qu'attendez-vous ? »

Lascive, elle fut tentée de s'étirer, écartant ainsi les cuisses pour l'inciter davantage à venir le rejoindre. Mais il sembla que ce ne fut pas nécessaire. Il avait très bien compris qu'elle avait envie de passer aux choses sérieuses et rapidement.

« Si j'ai bien compris en voyant l'agitation dehors, vous n'êtes actuellement pas sous contrat ? J'aurais quelque chose à vous proposer... »

Les deux cas pouvaient être pris. Où ils négociaient après leurs affaires, détendus dans l'eau brûlante et décrassés de leurs problèmes, où ils expédiaient la chose et fêtaient cela charnellement. Héra aimait bien les deux et était d'humeur pour les deux. Restait à voir ce que comptait faire son compagnon, s'il préférait l'une ou l'autre.

Après tout il avait eu une rude journée certainement lui aussi. Ca crève, de tuer des gens. Et il devait être tout crasseux à courir les différents territoires. Parfois Héra ne le voyait pas pendant plusieurs mois parce qu'il était en déplacement à l'autre bout du royaume. Et même si elle ne prenait pas le risque de s'attacher sentimentalement – après tout elle était mariée – elle devait avouer que parfois, certains soirs difficiles au coin du feu où sa main ne la contentait plus, Airard lui manquait.